Pourquoi les MJC ne parlent plus aux jeunes

Elles ont marqué toute une époque. Créées dans l’après-guerre, pensées pour démocratiser la culture, les Maisons des Jeunes et de la Culture avaient un sens, une fonction, une âme. C’était un lieu de partage, de transmission, d’éducation populaire. Aujourd’hui, ce modèle est à bout de souffle. Et ceux qui le fréquentent encore le savent bien.

Elles ont marqué toute une époque.
Créées dans l’après-guerre, pensées pour démocratiser la culture, les Maisons des Jeunes et de la Culture avaient un sens, une fonction, une âme. C’était un lieu de partage, de transmission, d’éducation populaire. Aujourd’hui, ce modèle est à bout de souffle. Et ceux qui le fréquentent encore le savent bien.

Dans certains quartiers, les jeunes ne savent même pas que la MJC existe.
Dans d'autres, ils la connaissent, mais n'y vont pas.
Ce n’est pas qu’ils rejettent la culture.
C’est juste qu’ils ne s’y reconnaissent pas.

Quand on propose de la danse contemporaine à des jeunes qui s’expriment à travers le rap ou les battles, on passe à côté. Quand on organise une expo photo sur la ruralité alors que le quotidien c’est l’immeuble, la rue, la pression sociale, on ne capte pas l’attention. Et quand on leur parle de citoyenneté avec des affiches datées et un ton professoral, on les perd.

Les MJC, dans leur grande majorité, sont restées figées.
Elles ont peu intégré la transformation numérique, peu ouvert la porte aux cultures urbaines, et très rarement associé les jeunes à la programmation.
Elles diffusent une culture jugée légitime, au sens bourdieusien du terme, mais souvent déconnectée des réalités sociales et des références actuelles.

On pourrait croire que j’exagère.
Mais j’ai passé du temps dans ces quartiers. J’ai animé, accompagné, observé.
Et je l’ai vu de mes propres yeux : le fossé s’est creusé. Les jeunes qui s’intéressent à la création, à l’expression, à l’image, au son, cherchent d’autres espaces. Des lieux plus libres. Moins verrouillés. Moins institutionnels.

Ils veulent créer leur podcast, monter un clip, lancer une marque, coder une appli.
Ils ne veulent pas qu’on leur dise quoi faire. Ils veulent qu’on les aide à le faire.
Mais pour ça, il faut des équipements adaptés, des médiateurs formés, une gouvernance ouverte, et surtout une posture d’écoute.
Pas une structure qui fonctionne en huis clos depuis 1985, avec des statuts verrouillés et des AG entre initiés.

Les jeunes n’ont pas déserté les MJC.
Ce sont les MJC qui, souvent, n’ont pas su les rejoindre.
Il n’est pas trop tard. Mais il va falloir ouvrir les yeux, sortir du confort institutionnel, et accepter que le monde a changé.

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Sources :

Pierre Bourdieu,
La Reproduction (1970) – notion de culture légitime ;
Observatoire National de la Jeunesse, rapport 2021 sur la fréquentation des MJC ;
Article “Les MJC en crise d’identité face aux jeunes générations” –
Libération, 6 novembre 2022 ;
Travaux de Bernard Friot sur le modèle associatif et les dérives du financement public.

Vincent BOCA – Auteur, syndicaliste, républicain. Ne jamais critiquer le futur !

Par Vincent Boca

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